Airbus: comment s'explique la série de revers ?

Hélicoptères en Pologne, méventes de l'A380, difficultés sur l'A400M ou sur l'A320neo: Airbus accumule les mauvaises nouvelles. Comment s'explique cette série de revers ? Le géant a-t-il les reins suffisamment solides pour faire face ?
Question: Quelles sont les conséquences de la perte du contrat hélicoptères en Pologne ?
Réponse: malgré les tergiversations du gouvernement conservateur polonais, Airbus Helicopters a tout fait pour sauver ce contrat, qui aurait été une bouffée d'oxygène. Airbus va demander des compensations au gouvernement polonais, mais il devra tout de même en passer par "un plan d'adaptation des effectifs en France".
L'ampleur des mesures qui seront prises concernant les effectifs n'est pas connue, mais Airbus Helicopters dont le siège se trouve à Marignane, près de Marseille, a contesté le chiffre d'un millier de suppressions de postes avancé par des médias mardi. Les modalités seront présentées en détail fin octobre aux partenaires sociaux.
Q: Pourquoi la branche hélicoptères souffre-t-elle davantage que les autres ?
R: Le segment des hélicoptères est frappé depuis deux ans par l'atonie du marché pétrolier, car la baisse des cours a affecté les investissements des compagnies pétrolières, notamment dans l'offshore. Or c'est là que les constructeurs réalisent l'essentiel de leurs revenus commerciaux.
Q: Que signifie la réduction de la cadence de production de l'A380 ?
R: Annoncée cet été, l'A380 sera produit à un exemplaire par mois en 2018, contre 2,5 actuellement. L'avionneur tente ainsi de s'adapter aux méventes de son vaisseau amiral afin de gagner du temps dans l'espoir de voir les ventes repartir, alors que le segment long-courrier connaît un ralentissement cette année.
Q: Pourquoi l'A400M connaît-il des difficultés ?
R: Le programme A400M a connu une gestation difficile qui s'est traduite par des surcoûts et des retards. L'appareil a également été victime d'un accident tragique en 2015 en Espagne qui a coûté la vie à quatre personnes.
Ces difficultés sont principalement liées à la complexité d'un avion militaire qui doit répondre à des qualifications opérationnelles multiples (transport, largage, ravitaillement en vol, posé d'assaut sur des terrains accidentés, système de contre mesures…). Elles doivent être évaluées au regard de la durée de vie d'un tel programme, de l'ordre de 40 ans. Le C-130 de Lockheed Martin, parfois concurrent de l'A400M, a ainsi été mis au point dans les années 50.
Q: Pourquoi parle-t-on de difficultés de montée en cadence de production des avions ?
R: Airbus doit réussir deux défis simultanément: réaliser la montée en cadence de l'A320neo et de l'A350. Les deux avions sont de nouveaux programmes tout juste entrés en service: l'A320neo est la version remotorisée de l'A320, grand succès d'Airbus, qui devance le 737 MAX de son concurrent Boeing sur le moyen-courrier, et l'A350 est un tout nouveau long-courrier.
Airbus doit donc passer en un temps record à une production de 60 A320neo par mois d'ici 2018 et à 110 A350 par an en 2019. Dans l'aéronautique, de telles montées en cadence sont inédites et ne peuvent souffrir la moindre défaillance de la chaîne d'approvisionnement.
Mais des sous-traitants, équipementiers et motoristes ont fait défaut et contraint Airbus à retarder la livraison d'appareils cette année, ce qui lui a valu des critiques de certaines compagnies clientes, notamment de Qatar Airways. Cette dernière a passé vendredi une énorme commande (100 appareils) au rival d'Airbus, Boeing, pour 18,6 milliards de dollars.
Malgré tout, Airbus a maintenu son objectif de 650 livraisons d'avions cette année, ce qui devrait lui permettre de se rattraper financièrement puisque c'est au moment de la réception de l'appareil que s'effectue le principal du règlement par le client. Il livrera son 10.000ème appareil, un A350, à Singapore Airlines vendredi.
Q: Ces difficultés mettent-elles Airbus en péril?
R: L'industrie aéronautique est portée par la croissance du trafic aérien, qui double tous les 15 ans. Airbus s'est imposé comme un géant avec un carnet de commandes de près de 1.000 milliards d'euros. Le groupe a donc de quoi voir venir, d'autant que l'aviation commerciale représente 70% de ses revenus et 8 à 10 ans de production.
Le spatial, où Airbus est aussi un géant, se porte également très bien.
Airbus Group a néanmoins engagé un plan de réorganisation afin de gagner en compétitivité, avec la suppression prévue des doublons dans les fonctions support et une nouvelle gouvernance. Le projet est en discussion avec les partenaires sociaux.